jeudi 29 décembre 2011

Bibliographie multilingue

Je mets aujourd'hui en ligne une bibliographie des oeuvres de Sándor Márai que vous trouverez en cliquant sur l'intitulé correspondant au-dessus de ce message.

mercredi 21 décembre 2011

La Soeur - Présentation de l'éditeur

Ecrit juste après Les Braises, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, La Soeur est le dernier livre que publie Sandor Marai en Hongrie, peu avant son exil. Ce très grand romancier de la Mitteleuropa y est au sommet de son art. En 1939, un pianiste hongrois en pleine gloire est brusquement hospitalisé à l’issue d’un concert à Florence, victime d’un mal mystérieux. Il va passer trois mois en proie à de grandes souffrances, dans un état quasi-hallucinatoire parfois, tandis que quatre infirmières, des religieuses à la fois bienveillantes et un peu inquiétantes, lui dispensent l’oubli à coups de morphine. Ce sont ses "rendez-vous chimiques" qu’il attend avec l’impatience d’un amant. Tandis qu’au-dehors la guerre se déchaîne, Z mène à huis clos un combat contre un mal intérieur dont il cherche les causes. Il revisite la relation passionnelle qu’il entretient depuis plusieurs années avec une femme mariée, belle et frigide. Un bonheur qui se nourrissait du manque et du déni. Mais la dépossession de soi qu’engendre la maladie est peut-être le premier pas vers une renaissance. Dans ce roman contemplatif, somnambulique et profond, Marai développe une réflexion subtile sur la maladie comme révélateur, l’impuissance de l’artiste, l’amour instrument de vie et de mort, mais aussi sur le don de soi et la générosité qui sauve.

lundi 12 décembre 2011

Critique du Monde des livres sur "La soeur"

...
On reconnait déjà dans ce huis clos le charme et la compétence de l'auteur. Mais ce roman publié en 1946, quatre ans après Les braises, développe des ambitions nouvelles chez Marai. Il ne s'agit plus de décrire un rapport entre deux personnes mais de façon plus intime, du questionnement d'un homme seul, sûr de lui-même, à qui la vie fait découvrir ses faiblesses, ses lâchetés et ses insuffisances....  
 Jean Soublin

Le Monde des livres 10.11.11
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/11/10/la-soeur-de-sandor-marai_1601740_3260.html

mardi 6 décembre 2011

Sur "La sœur", dernier roman paru en français

Qu’on ne s’y méprenne pas. Ce roman ne traite pas d’une relation familiale. La sœur (le titre hongrois serait plus justement traduit par « L’infirmière ») dont il est question est l’une des quatre religieuses (mais laquelle ?) qui soignent pendant plusieurs mois le personnage principal du dernier roman paru en français de Sándor Márai, un célèbre pianiste, Z., tombé brusquement et mystérieusement malade à la fin d’un concert à Florence.
Mais le titre n’est pas l’élément le plus déroutant du roman. Comme bien souvent chez Sándor Márai, « La sœur » comporte plusieurs parties bien distinctes et la première partie qui se déroule dans une auberge de montagne hébergeant pour les fêtes de Noël une société très mélangée semble, malgré un incident tragique (le suicide d’un couple illégitime et insignifiant), ne servir qu’à introduire la relation qui s’établit entre le narrateur et Z. Et à justifier que ce dernier lui lègue le récit de la maladie qui l’a éloigné des salles de concert et même de la société qu’il fréquentait auparavant.
Tout ce roman tourne autour de la vie, de la mort et de la maladie, constitue une longue réflexion sur les forces obscures qui gouvernent l’âme et le corps,
leurs faiblesses, leurs dérèglements. Z. sortira de sa maladie de manière aussi mystérieuse qu’il y est entré mais pas sans dommages.

mardi 22 novembre 2011

La Cathédrale

La cathédrale Ste Elisabeth à Košice (anciennement Kassa, ville natale de Sándor Márai)


LA CATHÉDRALE
L’homme considère les cathédrales depuis longtemps comme des oeuvres d’art. Il se promène sous ses ogives, admire les ostensoirs, les stalles sculptées, leurs trésors. Et tout cela avec une attention polie, peut-être sont-ils enthousiasmés. Oui bien sûr, la cathédrale de Florence, de Chartres, de Paris, la cathédrale de Kassa.
Et puis la vie souffle avec sa tristesse, ses expériences et sa désespérance. Et un jour nous commençons à envier les vieux, les vieillards, les vieilles femmes rabougries, qui – à Florence, Chartres, Paris ou Kassa– viennent dans la semi-obscurité de la cathédrale pour prier, y faire un roupillon ou aussi simplement se perdre dans leurs souvenirs et n’ont aucune idée des chefs d’œuvre devant lesquels ils s’agenouillent. C’est pour eux que la cathédrale a été bâtie. Leur naïveté est le véritable sens d’une cathédrale.

Extrait de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner




vendredi 11 novembre 2011

Pays

PAYS
Dans son pays officiel, historique, dans le pays à blason, à code civil, à police, à armée, à drapeaux-flottant-au-vent et qui claironne des solutions, il faut toujours, continuellement, avec une attention et une persévérance toujours plus obstinées, oui, toujours plus douloureuses, avec indulgence et délicatesse rechercher son véritable pays, qui est peut-être la langue, peut-être l’enfance, peut-être une rue bordée de platanes ou bien la porte cochère où une fois j’ai tendu l’oreille à une mélodie qui jaillissait vers le monde de la fenêtre ouverte d’un appartement à l’étage – peut-être ce mot « coucher de soleil ! … ». Ce pays, je le cherche toujours, avec d’autant plus d’amour obstiné et de véhémence que cet autre pays officiel et historique, celui à blason et à drapeaux-flottant-au-vent me le masque.

Extrait de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner

Armistice

Souvenir de la fin de la sanglante boucherie qui a dévasté l'Europe il y a presqu'un siècle. Sándor Márai y a échappé. Son "inaptitude" a-t-elle eu à voir avec la notabilité de son père ?
Pour la Hongrie les combats avaient déjà cessé depuis le 3 novembre, mais cette guerre retentira dans l'oeuvre de Márai par ses conséquences et surtout par la séparation de sa ville natale, Kassa, du territoire et de la langue hongroise, au traité de Trianon (4 juin 1920).

mercredi 2 novembre 2011

Fuite

" Je n’ai pas de visa pour un autre pays et pas d’argent non plus ; la bourgeoisie, la classe à laquelle j’appartiens, perd sa clôture ; elle ne peut plus ni conserver ni défendre celui qui l’incarne : le bourgeois. Où devrais-je fuir ?
Dans mon travail je cherche refuge ; où pourrais-je ailleurs que dans ce bannissement muet, dans l’exterritorialité du papier blanc. Je m’enfuis dans mon occupation qui est à la fois forme de vie et sens des réalités, justice et doute, distance et style. C’est mon autre pays ; un pays dur, où vivre n’est pas un bonheur, pas un paradis. Et pourtant c’est un pays, un chez-soi, triste et authentique, pour moi le seul chez-soi dans ce monde. "


Extrait d' Ars Poetica, 2ème partie de Ciel et terre. 

mardi 1 novembre 2011

La conversation de Bolzano au théâtre

"La Conversation de Bolzano" sera jouée à Paris au Théâtre de l'Atalante, 10, place Charles Dullin - 75018 Paris à partir du 30 mars 2012.


Mise en scène de Jean-Louis THAMIN
Du vendredi 30/03/12 au jeudi 19/04/12

A propos de L'étrangère

« Márai est un écrivain d'une cruauté infinie, détaillant la mesquinerie des hommes, tout juste capables d'éprouver de « petites souffrances » qui jalonnent leur existence médiocre. » Télérama

dimanche 30 octobre 2011

Ebauche de biographie

Sándor Károly Henrik Grosschmid (il signera Sándor Márai, d’un titre porté par sa famille, à partir de 1919) nait à Kassa (alors chef-lieu de la Haute Hongrie, aujourd’hui Košice en Slovaquie) le 11 avril 1900, premier enfant de Gezá Grosschmid juriste et de Margit Ratkovszky professeur au Lycée de jeunes filles.
Après des études, d’abord avec des précepteurs puis dans différents lycées (il est assez indiscipliné) il passe son baccalauréat en 1918 et est déclaré inapte au service militaire la même année. En 1919 pendant la révolution des conseils de Béla Kun, il écrit dans un journal révolutionnaire.
L’errance
Après la défaite des communistes Sándor Márai part étudier en Allemagne, d’abord à Leipzig, puis à Francfort et Berlin, où il mène une vie très libre, vivant essentiellement des subsides envoyés par son père et d’articles qu’il écrit pour des journaux hongrois et allemands dont la prestigieuse « Frankfurter Zeitung ». Il écrit des critiques, des pièces de théâtre et traduit Kafka en hongrois
En 1922 il rencontre à Berlin Ilona Matzner (Lola), une jeune fille de Kassa qu’il connaissait déjà. Il en tombe amoureux et ils se marient à Budapest l’année suivante. Ils s’installent à Paris où ils resteront cinq ans. Sándor Márai y fréquente écrivains et artistes, vit assez pauvrement et fait quelques voyages dont un assez long au proche orient qui donnera lieu à un livre (« Sur la trace des Dieux »*). Excepté un roman « Le Boucher »*, son activité littéraire est alors essentiellement journalistique : il envoie régulièrement des chroniques à des journaux hongrois et commence à se faire une notoriété dans son pays.
Le succès
En 1928 Sándor Márai et Lola reviennent en Hongrie et s’installent à Budapest (Kassa était devenue tchécoslovaque par le traité de Trianon en 1919). Alors commence une activité littéraire intense et prolifique (jusqu’à quatre œuvres majeures par an) très rapidement reconnue dans son pays et qu’il n’interrompra en 1944 qu’en protestation contre l’occupation allemande de son pays et la prise de pouvoir par les fascistes des croix fléchées. De cette époque datent notamment les romans « Premier amour » (1928), « Les révoltés » (1930), « Un chien de caractère » (1932), « Les confessions d’un bourgeois » et « L’étrangère » (1934), « Divorce à Buda » (1935), « Patrouille à l’ouest »* (1936), « Les jaloux »* (1937), « L’héritage d’Eszter » (1939), « La conversation de Bolzano » et « Sinbad rentre chez lui »* (1940), les deux premières parties de « Métamorphoses d’un mariage » (1941), « Les braises » (1942), « La mouette »* (1943),. Tout en publiant des chroniques régulières dans des journaux, il écrit aussi pendant cette période des pièces de théâtre, des essais comme « Ecole pour les pauvres »* (1933), et plusieurs recueils de « formes courtes » (réflexions, aphorismes, poèmes en prose …) comme « Les quatre saisons »* ou « Ciel et terre »**. Sans jamais s’agréger à une quelconque coterie littéraire, il entretient des rapports de bon voisinage avec ses confrères contemporains comme Dezső Kosztolányi ou Zsigmond Móricz et une correspondance régulière avec Tibor Déry.
Des années noires
Déjà assombrie par les événements politiques (Régence dictatoriale ultra conservatrice de l’amiral Horthy, arrivée d’Hitler au pouvoir, Anschluss, puis deuxième guerre mondiale) la vie de Sándor Márai subit à cette époque plusieurs épreuves personnelles majeures. D’abord en 1934 la mort de son père à qui le liait une profonde affection et estime, puis en 1939 le décès à six semaines de son unique enfant, Kristóf. (Vers la fin de la guerre, il adoptera Janós un orphelin, ou enfant abandonné, on ne sait pas trop). Et enfin au retour du village où il avait trouvé refuge pendant le siège de Budapest, il retrouve sa maison en ruines.
Après la « libération » de la Hongrie et la prise de pouvoir progressive d’un régime communiste au sein d’une république populaire qui d’abord l’honore (nomination comme Secrétaire Général de L’Union des Ecrivains en 1945, puis élection à l’académie des sciences en 1947) puis le tolère, il publie encore quelques romans comme « La sœur »* (1946) et « Les offensés »* (1947 – 1948) mais fait l’objet de critiques de plus en plus virulentes, en particulier du grand intellectuel marxiste George Lukács. Petit à petit il se fait à l’idée de quitter son pays.
Il racontera beaucoup plus tard (1972) la période des années de la fin de la guerre à son exil dans le passionnant « Mémoires de Hongrie ».
Départ en exil
A l’occasion d’une rencontre internationale d’écrivains à Genève il obtient facilement un visa pour lui et sa famille (il semble que le régime soit plutôt content d’être débarrassé d’une voix qu’il aurait eu du mal à faire taire, alors qu’une fois l’écrivain parti il le fera purement et simplement disparaître des rayons des bibliothèques et des librairies, à la manière de ces photos retouchées où les proches disgraciés disparaissaient dans l’iconographie officielle). Après quelques semaines passées en Suisse qui se révèle trop onéreuse pour ses faibles ressources, il refuse une offre de son éditeur allemand de s’installer en Allemagne où son dernier roman traduit (La mouette) a eu un gros succès, estimant « qu’il ne trouve aucun contact spirituel avec les allemands. Je vais déménager en Italie où rien ni personne ne m’attend. »
Loin de la patrie
Il s’installe en effet à Naples dans le quartier de Pausilippe, où il situera plus tard son roman « Le miracle de San Gennaro » (publié en allemand en 1957, puis en hongrois en 1965). Il fait fréquemment des voyages à Rome, où il est missionné par Radio Free Europe pour des émissions régulières destinées à la Hongrie et auxquelles il ne mettra fin qu’en 1967, « couvrant » notamment la période de l’insurrection de 1956. Pendant cette période, il lit beaucoup mais à part la tenue de son journal et l’écriture d’articles pour les journaux de l’émigration, son activité littéraire est alors moins intense et se borne à la publication de « Paix à Ithaque » (1952).
New York (1952-1967)
Préoccupé par l’éducation de Janós et la situation politique italienne incertaine, il part en 1952 aux Etats-Unis (dont il devient citoyen en 1957) où il s’installe à New York. Pendant ce premier séjour américain il effectue plusieurs voyages dont un périple à travers les Etats Unis qui seront l’occasion d’un journal de voyage « Le vent vient de l’ouest »*. Son activité littéraire se réduit encore. A part « Le miracle de San Gennaro » déjà cité il ne fait paraître que son journal de 1945 à 1957 et une pièce en vers « Un monsieur de Venise ». Sándor Márai se transforme en éditeur de ses œuvres qu’il diffuse auprès d’amis et de librairies hongroises dans le monde. Il passe beaucoup de son temps dans les bibliothèques publiques et dans les musées mais malgré le confort américain il regrette l’Europe et en mai 1967 se décide à retourner en Italie.
Sous le soleil de la Méditerranée (1967-1980)
Les Márais emménagent à Salerne. Ils profitent de la proximité immédiate de la mer (l’un et l’autre aimaient beaucoup la natation) et mènent une vie très calme. Sándor Márai continue à éditer lui-même certains de ses ouvrages comme son journal des années 1958 à 1967 ou un roman « Un fortifiant »* (1975). Paraissent également pendant cette période chez divers éditeurs « Le jugement de Canudos »* (1970), « Il s’est passé quelque chose à Rome »* (1971), « Mémoires de Hongrie » (déjà cité), la dernière partie de « Métamorphoses d’un mariage » (1980), son journal des années 1968 à 1975 et une anthologie de poèmes « Le dauphin regarde en arrière »* (1978). Mais des problèmes de santé préoccupent le couple (Sándor victime d’une hémorragie intestinale doit passer un mois à l’hôpital) et ayant peu confiance dans le système de santé italien ils décident en mai 1980 de retourner aux Etats-Unis.
Dernières années, dernières épreuves (1980-1989)
Cette fois c’est sur la côte pacifique, à San Diego, que s’installent Sándor Márai et Lola, à une soixantaine de km de leur fils János. Il écrit peu en dehors de son journal : une pièce de théâtre « Job … et son livre »* (1982) et deux romans « Les trente deniers »* (1983) et « Amour de cœur »* (1985).  La santé de Lola se dégrade : quasi-cécité, fréquentes pertes de connaissance, dégradation des facultés mentales puis cancer. Et Sándor lui-même est victime d’un glaucome qui diminue fortement sa vue. Il se dévoue entièrement au soutien de Lola jusqu’à son décès le 4 janvier 1986. Il perd successivement son frère Gabor, sa sœur Kato puis le benjamin de ses frères le metteur en scène de cinéma Gezá von Radványi, et enfin son fils adoptif János (23 avril1987) d’une forme brutale d’endocardite. On commence à se souvenir de lui en Hongrie, mais il décline toute forme de « re-connaissance ». Le 22 février 1989 il se tire une balle dans le crâne. Selon sa volonté ses cendres sont dispersées dans le Pacifique comme l’avaient été celles de Lola et de János.
Sources
  • Ernö Zeltner : Sándor Márai - Ein Leben in Bildern, en allemand, Piper Verlag GmbH, München (2001)
  • Sándor Márai : Tagebücher 2 – 1984-1989 (en allemand, traduit du hongrois par Hans Skirecki), Oberbaum Verlag GmbH, Berlin (2001)
  • Sándor Márai, Tibor Simanyi : Lieber Tibor – Briefwechsel (en allemand, traduit du hongrois par Tibor Simanyi), Piper Verlag GmbH, München (2002)
  • Wikipédia allemand, français et hongrois : notices sur Sándor Márai
  • Base littéraire plurilingue de la fondation hongroise du livre,
    versions française et allemande (http://www.hunlit.hu/index.d2?language=fr et http://www.hunlit.hu/index.d2?language=de)


* Les ouvrages portant un titre suivi d’un astérisque ne sont pas traduits en français (à la date du 30/10/2011). Les titres indiqués sont extraits de la « Base Littéraire plurilingue de la fondation hongroise du livre » (voir « Sources »)